Indications
Traitement de la maladie coronaire
Traitement symptomatique de l'angor stable chronique chez l'adulte coronarien en rythme sinusal.
L'ivabradine est indiquée :
- chez les adultes présentant une intolérance ou une contre-indication aux bêta-bloquants,
- ou en association aux bêta-bloquants chez des patients insuffisamment contrôlés par une dose optimale de bêta-bloquants, et dont la fréquence cardiaque reste supérieure à 60 bpm.
Traitement de l'insuffisance cardiaque chronique
L'ivabradine est indiquée dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique de classe NYHA II à IV avec dysfonction systolique, chez les patients en rythme sinusal et dont la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 75 bpm, en association au traitement standard comprenant les bêta-bloquants, ou en cas de contre-indication ou d'intolérance aux bêta-bloquants (voir rubrique Propriétés pharmacodynamiques)
Fonctionnement
Classe pharmacothérapeutique : Médicaments en cardiologie, autres médicaments en cardiologie
code ATC : C01EB17
Mécanisme d'action
L'ivabradine agit en réduisant uniquement la fréquence cardiaque, par inhibition sélective et spécifique du courant pacemaker If qui contrôle la dépolarisation diastolique spontanée au niveau du noeud sinusal et régule la fréquence cardiaque.
Les effets cardiaques sont spécifiques du noeud sinusal, sans effet sur les temps de conduction intra-auriculaires, auriculo-ventriculaires ou intra-ventriculaires, sur la contractilité myocardique ou sur la repolarisation ventriculaire.
L'ivabradine peut également interagir avec le courant rétinien Ih qui s'apparente au courant cardiaque If.
Celui-ci intervient dans la résolution temporelle du système visuel, par le raccourcissement de la réponse rétinienne à des stimuli lumineux intenses.
Lors de circonstances déclenchantes (telles que des changements rapides de la luminosité), l'inhibition partielle du courant Ih par l'ivabradine est à l'origine des phénomènes lumineux que peuvent percevoir occasionnellement des patients.
Les phénomènes lumineux (phosphènes) sont décrits comme une augmentation transitoire de la luminosité dans une zone limitée du champ visuel (voir rubrique Effets indésirables).
Effets pharmacodynamiques
La propriété pharmacodynamique principale de l'ivabradine chez l'homme consiste en une réduction spécifique et dose-dépendante de la fréquence cardiaque.
L'analyse de la réduction de la fréquence cardiaque avec des doses allant jusqu'à 20 mg deux fois par jour indique une tendance à un effet plateau qui est cohérent avec un risque réduit de bradycardie sévère inférieure à 40 bpm (voir rubrique Effets indésirables).
Aux posologies usuelles recommandées, la fréquence cardiaque diminue approximativement de 10 bpm au repos et à l'effort.
Ceci entraîne une réduction du travail cardiaque et de la consommation en oxygène du myocarde.
L'ivabradine ne modifie pas la conduction intracardiaque, la contractilité (pas d'effet inotrope négatif) et la repolarisation ventriculaire:
- dans des études cliniques d'électrophysiologie, l'ivabradine n'a pas modifié les temps de conduction auriculo-ventriculaire et intra-ventriculaire, ni l'intervalle QT corrigé ;
- chez des patients avec une dysfonction ventriculaire gauche (fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) entre 30 et 45 %), l'ivabradine n'a pas eu d'effet délétère sur la FEVG.
Efficacité et sécurité clinique
L'efficacité antiangoreuse et anti-ischémique de l'ivabradine a été étudiée dans cinq études randomisées en double-aveugle (trois versus placebo, une versus atenolol et une versus amlodipine).
Ces études ont inclus un total de 4111 patients atteints d'angor stable chronique, dont 2617 ont reçu de l'ivabradine.
Administrée à la dose de 5 mg deux fois par jour, l'efficacité de l'ivabradine a été démontrée sur tous les paramètres mesurés lors des tests d'effort dans les 3 à 4 semaines après le début du traitement.
Son efficacité a été confirmée à la dose de 7,5 mg deux fois par jour.
En particulier, le bénéfice supplémentaire par rapport à la dose de 5 mg deux fois par jour a notamment été démontré dans une étude versus produit de référence (aténolol) : la durée totale de l'exercice à la concentration plasmatique minimale a été augmentée de 1 minute environ, après un mois de traitement sous ivabradine à la dose de 5 mg deux fois par jour et s'est encore allongée de près de 25 secondes, après 3 mois de traitement supplémentaire sous ivabradine à la dose de 7,5 mg deux fois par jour.
Dans cette étude, l'action antiangineuse et anti-ischémique de l'ivabradine a été confirmée chez les patients âgés de 65 ans ou plus.
Les résultats d'efficacité des doses de 5 et 7,5 mg d'ivabradine deux fois par jour sont cohérents entre les études sur l'ensemble des paramètres mesurés lors des tests d'effort (durée totale de l'exercice, délai de survenue de la douleur angineuse limitante, délai d'apparition de la douleur angineuse et délai d'apparition du sous-décalage du segment ST de 1 mm) et ont été associés à une baisse d'environ 70% de la fréquence des crises d'angor.
L'administration de l'ivabradine en deux prises par jour a permis de maintenir une efficacité constante tout au long du nycthémère.
Dans une étude randomisée contrôlée versus placebo réalisée chez 889 patients, l'association de l'ivabradine à l'aténolol (50 mg/jour), a démontré un supplément d'efficacité, sur l'ensemble des paramètres des épreuves d'effort, réalisées au creux de l'activité du médicament (12 heures après la prise).
Dans une étude randomisée contrôlée versus placebo et menée chez 725 patients, l'association de l'ivabradine à l'amlodipine n'a pas montré d'efficacité supplémentaire au creux de l'activité du médicament (12 heures après la prise), alors qu'un supplément d'efficacité a été observé au pic (3-4 heures après la prise).
L'efficacité de l'ivabradine s'est pleinement maintenue durant les 3 ou 4 mois de traitement des études.
Aucun phénomène d'épuisement de l'effet pharmacologique (baisse d'efficacité) durant le traitement, ni d'effet rebond après arrêt brutal n'a été observé.
L'activité antiangoreuse et anti-ischémique de l'ivabradine a été associée à une diminution dose-dépendante de la fréquence cardiaque et à une diminution significative du double produit (fréquence cardiaque x pression artérielle systolique) au repos et à l'effort.
Les effets sur la pression artérielle et sur les résistances périphériques artérielles étaient mineurs et cliniquement non significatifs.
Le maintien de la diminution de la fréquence cardiaque a été démontré chez les patients traités par l'ivabradine durant au moins 1 an (n = 713).
Aucun effet n'a été observé sur les métabolismes glucidique et lipidique.
L'efficacité antiangoreuse et anti-ischémique de l'ivabradine a été retrouvée de la même manière chez les patients diabétiques (n=457), avec un profil de sécurité similaire à ce qu'il est dans la population générale.
Une importante étude, BEAUTIFUL, a été réalisée chez 10917 patients coronariens présentant une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG< 40%) et recevant déjà un traitement optimal, dont 86,9% sous bêta-bloquants.
Le critère principal d'efficacité était un critère combiné associant la mortalité cardiovasculaire, les hospitalisations pour infarctus aigu du myocarde et les hospitalisations pour survenue ou une aggravation d'une insuffisance cardiaque.
L'étude n'a pas mis en évidence de différence de survenue du critère principal combiné entre le groupe ivabradine, et le groupe placebo (risque relatif ivabradine/placebo 1,00, p=0,945).
Dans une étude post-hoc réalisée chez un sous-groupe de patients présentant un angor symptomatique au moment de la randomisation (n=1507), aucun problème de sécurité d'emploi relatif à des décès cardiovasculaires, des hospitalisations pour infarctus aigu du myocarde ou pour insuffisance cardiaque n'a été détecté (ivabradine 12,0% versus placebo 15,5%, p=0,05).
L'étude SHIFT est une importante étude multicentrique, internationale, randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo, réalisée chez 6505 patients adultes insuffisants cardiaques chroniques stables (depuis au moins 4 semaines), de classe NYHA II à IV, ayant une fraction d'éjection ventriculaire gauche diminuée (FEVG <= 35%) et une fréquence cardiaque de repos supérieure ou égale à 70 bpm.
Les patients ont reçu un traitement standard comprenant des bêta-bloquants (89 %), des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et/ou des antagonistes de l'angiotensine II (ARAII) (91%), des diurétiques (83%) et des anti-aldostérone (60%).
Dans le groupe ivabradine, 67% des patients ont été traités avec 7,5 mg deux fois par jour.
La durée médiane de suivi a été de 22,9 mois.
Le traitement par l'ivabradine a été associé à une réduction moyenne de la fréquence cardiaque de 15 bpm par rapport à une valeur moyenne de 80 bpm à l'inclusion.
La réduction de la fréquence cardiaque dans le groupe ivabradine par rapport au groupe placebo a été de 10,8 bpm à 28 jours, 9,1 bpm à 12 mois et 8,3 bpm à 24 mois.
L'étude a mis en évidence une réduction cliniquement et statistiquement significative de 18 % du risque relatif de survenue du critère principal combiné associant la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour aggravation de l'insuffisance cardiaque (HR : 0,82, IC : 95% [0,75 ; 0,90] ; p<0.
0001) se manifestant dans les 3 mois suivant l'instauration du traitement.
La réduction du risque absolu était de 4,2%.
Les résultats obtenus sur le critère principal sont principalement dûs aux critères d'insuffisance cardiaque : hospitalisation pour aggravation de l'insuffisance cardiaque (réduction de 4,7% du risque absolu) et décès par insuffisance cardiaque (réduction de 1,1% du risque absolu).
Effet du traitement sur le critère principal combiné, ses composantes et sur les critères secondaires.
Ivabradine (N=3241)
n (%)
Placebo
(N=3264)
n(%)
Risque relatif
[IC : 95%]
p-value
Critère principal combiné
793 (24.
47)
937 (28.
71)
0.
82 [0.
75; 0.
90]
<0.
0001
Composantes du critère combiné :
- mortalité CV
- hospitalisation pour aggravation de l'insuffisance cardiaque
449 (13.
85)
514 (15.
86)
491 (15.
04)
672 (20.
59)
0.
91 [0.
80; 1.
03]
0.
74 [0.
66; 0.
83]
0.
128 <0.
0001
Autres critères secondaires :
- mortalité toutes causes
503 (15.
52)
552 (16.
91)
0.
90 [0.
80; 1.
02]
0.
092
- décès par insuffisance cardiaque
113 (3.
49)
151 (4.
63)
0.
74 [0.
58;0.
94]
0.
014
- hospitalisation toutes causes
1231 (37.
98)
1356 (41.
54)
0.
89 [0.
82;0.
96]
0.
003
-hospitalisation pour raisons
cardiovasculaires
977 (30.
15)
1122 (34.
38)
0.
85 [0.
78; 0.
92]
0.
0002
La réduction du critère principal a été observée indépendamment du sexe, de la classe NYHA, de l'étiologie ischémique ou non de l'insuffisance cardiaque et des antécédents de diabète ou d'hypertension.
Dans le sous-groupe de patients ayant une fréquence cardiaque supérieure ou égale à 75 bpm (n=4150), une réduction plus importante, de 24%, a été observée sur le critère principal combiné (HR : 0,76, IC 95% [0,68;0.
85] ; p<0.
0001) et sur les autres critères secondaires, incluant la mortalité toute cause (HR: 0.
83, IC 95% [0,72;0,96] ; p=0.
0109) et la mortalité cardio-vasculaire (HR : 0,83, IC 95% [0,71; 0,97] ; p=0,0166).
Dans ce sous-groupe de patients, le profil de sécurité de l'ivabradine est similaire à celui de l'ensemble de la population.
Un effet significatif a été observé sur le critère principal combiné pour l'ensemble des patients traités par bêta-bloquants (HR : 0,82, IC 95% [0,76; 0,94]).
Dans le sous-groupe de patients ayant une fréquence cardiaque supérieure ou égale à 75 bpm, et traités à dose maximale recommandée de bêta-bloquants, il n'a pas été observé de bénéfice statistiquement significatif ni sur le critère principal combiné (HR : 0,97, IC 95% [0,74; 1,28]) ni sur les critères secondaires, comprenant les hospitalisations pour aggravation de l'insuffisance cardiaque (HR : 0.
79, IC 95% [0,56 ;1,10]) ou les décès par insuffisance cardiaque (HR : 0,69, IC 95% [0,31; 1,56]).
Une amélioration significative de l'état fonctionnel selon la classification NYHA a été observée lors de la dernière évaluation, 887 (28%) patients du groupe ivabradine ont présenté une amélioration par rapport à 776 (24%) patients du groupe placebo (p=0.
001).